Mon mari est d’origine chinoise, il parle couramment le mandarin et il était évident pour nous deux que le petit singe devait apprendre cette langue au même titre que le français.
Il s’agit de son héritage culturel, cela fait partie intégrante de ses origines, il est à moitié français et à moitié chinois.
L’apprentissage de la langue parlée par ses grands-parents paternels est très important pour maintenir et renforcer leurs liens.
Et puis c’est un véritable avantage pour sa vie future.
Les enfants plurilingues réagissent différemment aux langues inconnues et montrent très tôt un intérêt pour les langues étrangères.
Dans sa vie privée comme professionnelle, maîtriser la langue de la deuxième économie mondiale est un atout certain, d’autant plus que seule une infime partie des chinois parlent anglais.
Nous voulions commencer le plus tôt possible. Un enfant en bas âge distingue et reproduit les sons plus facilement. Les bébés sont capables de différencier tous les sons, mais cette capacité disparaît au fil des mois et l’enfant se concentre sur les sons des langues qu’il entend.
Nous avons donc décidé de lui apprendre les deux langues en même temps, dès la naissance, en appliquant la méthode un parent-une langue. Je lui parle exclusivement en français et son papa lui parle exclusivement en mandarin.
Étant plus à l’aise en français, ce n’était pas forcément facile et naturel. Mais dès le premier jour, à la maternité, je lui ai rappelé qu’il devait s’adresser à son fils en chinois. Si on voulait que ça devienne naturel, il fallait commencer tout de suite.
Si tu veux lui parler chinois, c’est maintenant.
Petit à petit, le petit singe a grandi et son papa a dû étoffer son vocabulaire pour pouvoir lui apprendre des mots qu’il ne connaissait pas lui-même, le nom de certains animaux ou insectes par exemple.
Lorsque mon mari lui lit un livre, il traduit le français et lui raconte toujours l’histoire en chinois.
Pour le petit singe, il est normal que papa parle en chinois et maman en français. Et lorsque l’on se rend dans nos familles respectives, il les comprend et peut interagir avec eux sans aucune barrière de langue.
On m’a souvent demandé si cela me dérangeait de ne pas comprendre leurs interactions. La réponse est non. Il faut prendre sur soi et accepter d’être un peu à l’écart de certaines conversations. Et puis c’est l’occasion pour moi d’apprendre le chinois en même temps que mon fils. Je comprends maintenant les mots et expressions qui reviennent régulièrement à force de les entendre, parfois je devine selon le contexte ou je demande à mon mari de me traduire un mot ou une phrase, et puis souvent je ne comprends pas et ce n’est pas grave, c’est leur petit monde, ils n’ont pas besoin de le partager.
Récemment nous avons déménagé en Indonésie, et le petit singe est désormais exposé à deux autres langues, l’anglais et l’indonésien.
Nous avons choisi de le mettre dans une école anglophone pour qu’il apprenne la langue de l’international par excellence.
Les premiers jours d’adaptation ont été difficiles pour lui. Puis, peu à peu, il a commencé à comprendre certains mots. Et aujourd’hui il comprend parfaitement les éducatrices et les autres enfants, et il commence à parler en anglais. Cela nous étonne toujours et c’est super de le voir évoluer de cette manière!
Le premier mot qu’il a appris en anglais était « bye-bye », et c’est désormais ce qui lui vient naturellement quand il doit dire au revoir.
Le deuxième mot qu’il m’a dit était « come », puis il m’a pris la main pour que je le suive. Il nous dit aussi « please give » lorsque l’on mange quelque-chose qui lui fait envie, et « open » pour qu’on lui ouvre sa compote ou sa boîte de lego. Il compte en anglais, « one, two, three, five, six » ! Ah ah ah, il oublie ou élude toujours le chiffre 4, peut-être par superstition… Et récemment, il m’a prévenu qu’il allait faire caca en me disant « poo poo, caca, poo poo, caca ».
Nous nous amusons beaucoup à l’écouter parler anglais, ce n’est pas nous qui lui apprenons et c’est incroyable de constater tout ce qu’il peut apprendre en dehors de la maison.
Il dit aussi beaucoup de mots en chinois, ils sont parfois plus faciles à prononcer que les mots français.
C’est son papa qui lui a appris à dire merci. Alors c’est toujours « xie xie » qui lui vient naturellement. Et lorsque c’est à moi qu’il s’adresse, et que je ne lâche pas ce que je lui donne s’il me parle en chinois, il sait qu’il doit me dire « merci ».
S’il te plaît n’existe pas vraiment en chinois, mais mon mari lui apprend une phrase pour demander poliment, essentiellement pour l’entraîner à la prononciation. Et un jour où je lui disais « comment on demande ? », au lieu de me dire « s’il te plaît », il m’a répété cette phrase, en m’appelant papa.
C’est encore compliqué pour lui de distinguer les langues et de savoir laquelle utiliser, et il dit souvent le mot le plus facile à prononcer. Par exemple, il dit souvent « xǐ shǒu » pour « se laver les mains », même s’il s’adresse à moi.
C’est parfois difficile pour moi de comprendre ce qu’il dit, et son père, naturellement plus doué pour les langues, y compris le langage de bébé, me fait souvent la traduction, même lorsqu’il me parle en français. Est-ce qu’il dit un vrai mot ? Est-ce du chinois ? Du français ? Et maintenant de l’anglais ? Je l’ai même surpris à compter en indonésien !
Nous ne lui apprenons pas l’indonésien mais les enfants sont de vraies éponges et il l’entend partout. Les nounous de l’école s’adressent aux enfants en anglais mais parlent en indonésien entre elles. Dewi, notre aide domestique, ne parle pas anglais, elle s’adresse donc à lui en indonésien.
Il est difficile de savoir comment réagir, comment nous comporter. Est-ce que je dois le reprendre, et l’obliger à s’adresser à moi exclusivement en français, ou bien dois-je le féliciter et l’encourager même s’il s’adresse à moi dans une autre langue ?
Lors de mes lectures et recherches sur internet, j’ai appris qu’il est avant tout important de privilégier l’expression et le développement du langage quel qu’il soit. Cela doit rester un plaisir et nous encourageons chaque mot qu’il nous dit, peu importe la langue dans laquelle il parle.
Je rencontre beaucoup de familles expatriées confrontées, comme nous, à plusieurs langues, et on m’a conseillé de toujours lui indiquer le mot ou la phrase en français pour qu’il l’assimile sans exiger une répétition de sa part, cela pourrait le décourager. Il est encore petit et il est important que l’apprentissage des langues l’amuse. En grandissant, par contre, nous lui demanderons de faire l’effort de parler dans la langue de son interlocuteur.
Cela fait maintenant 6 mois que le petit singe est dans une école anglophone et l’anglais a pris énormément de place dans son développement de la parole.
Le petit singe ne parle chinois qu’avec son papa, qu’il voit très peu en semaine. Or, pour apprendre une langue, il est important que l’enfant puisse interagir dans la langue quotidiennement, et il est également important de varier les contextes et les interlocuteurs, les expositions doivent être nombreuses et variées.
Pour compenser ce manque, nous avons décidé de lui trouver un professeur de chinois qui viendra à domicile une fois par semaine. Les « cours » seront bien évidemment ludiques et adaptés à son âge, et permettront au petit singe d’échanger et d’apprendre en chinois avec une autre personne que son papa.
© Photos : La Femme Gribouillage