Il y a un an, nous avons quitté Jakarta du jour au lendemain, sans se douter que nous n’y retournerions pas.
12 mars 2020 : Je déjeune avec les « Mums » au restaurant italien Osteria Gia. L’une d’elles hésite à partir. Elle a peur du Coronavirus. Sa belle-mère l’a contacté et lui a conseillé de prendre ses 3 gosses et de rentrer en Australie.
Je réalise pour la première fois que nous pourrions être en danger.
Je me rassure. Dans moins d’une semaine, nous nous envolerons pour la Nouvelle-Zélande. Là-bas, nous serons en sécurité. Nous verrons la situation à notre retour.
L’année 2020 s’annonçait bien. Nous nous apprêtions à faire un road-trip en van en Nouvelle-Zélande. Ensuite, je devais partir en France avec le petit singe pour y passer les vacances de Pâques en famille. Puis, en mai, nous devions nous envoler pour les îles Fidji. Voyage ! Voyage ! Voyage ! Yay !
13 mars 2020 : Nous visitons une école pour y inscrire le petit singe à la rentrée 2020. L’école est géniale, les enfants y apprennent l’anglais et le mandarin. Il ira dès juillet 2020.
14 mars 2020 : Nous réalisons une séance photo avec Erica (That Wild Road Photography) pour immortaliser notre vie en Indonésie. Photographe expatriée à Kuala Lumpur, Erica passait quelques jours à Jakarta pour shooter plusieurs familles. Une semaine plus tard, elle décidait de quitter KL précipitamment avec sa famille.


15 mars 2020 : Nous apprenons que toutes les écoles de Jakarta ferment pour une durée de 2 semaines minimum. Ce n’est pas grave, nous partons en vacances. Puis, la Première ministre néo-zélandaise annonce que toutes les personnes arrivant en Nouvelle-Zélande devront s’isoler pendant 14 jours. Fuck !
Optimistes, nous reportons notre voyage en Octobre. Nous l’annulerons quelques mois plus tard.
Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? Je commence à m’inquiéter. Devons-nous rester chez nous, ou fuir ?
La réalité de la situation en Indonésie et sa capacité à faire face à la pandémie restent inconnues.
Seront-ils capables de nous soigner ici si nous sommes malades ? Le système de santé indonésien est insuffisant, et beaucoup d’expatriés se font soigner à l’étranger pour les cas les plus sérieux. Les médecins étrangers n’ont pas le droit d’exercer en Indonésie.
Seuls certains hôpitaux publics, qui offrent des soins de qualité inférieure au standard international, sont désignés pour prendre en charge les personnes infectées par le Covid-19. La prise en charge des résidents expatriés dans des hôpitaux privés n’est pas encore acceptée par le Gouvernement indonésien.
Et si nous étions malades tous les deux, qui s’occuperait du petit singe ? Notre famille est loin. Nos amis envisagent également de partir.
Je décide d’avancer mes vacances en France. Je pars seule avec le petit singe. Son papa n’est pas du même avis que moi, il n’a pas peur d’être malade, mais il me laisse décider. Si je ne suis pas à l’aise, il vaut mieux que je parte.
J’espère revenir pour notre voyage aux îles Fidji. J’y croyais …
Nous partons vite car les vols pour la France se raréfient, et j’ai peur de ne plus pouvoir rentrer si j’attends.
16 mars 2020 : Mon petit singe et moi prenons le dernier vol Air France faisant escale à Singapour avant que la cité-Etat interdise l’entrée et le transit aux voyageurs venant de France.

Le voyage est éprouvant. J’ai peur que l’avion soit annulé à la dernière minute. J’ai peur qu’on ne me laisse pas monter dans l’avion sans test PCR négatif. J’ai peur de rester coincée à Singapour.
Fuite d’une gourde sur les KITAS – nos visas pour l’Indonésie – puis accident de pipi dans l’avion. Arf ! À Singapour, ils ne trouvent pas nos billets électroniques … grrr …
Et puis enfin, nous sommes dans l’avion pour Paris. Le petit singe est adorable. Tout va bien.
17 mars 2020 : Nous atterrissons à Paris, quelques heures avant le confinement. Nous sommes accueillis chez ma sœur et évitons mes parents pour ne pas les contaminer.
Par la suite, plusieurs représentations diplomatiques ont invité leurs personnels à quitter l’Indonésie.
Ce n’est pas le cas de l’ambassade de France. Aucun rapatriement sanitaire n’est prévu. L’équipe consulaire reste mobilisée auprès des français et continue d’assurer sa mission.
C’est rassurant de savoir qu’ils sont présents mais inquiétant qu’ils ne prévoient pas de rapatriement ni de soutien médical et sanitaire. C’est une crise mondiale, l’Indonésie ne semble pas prioritaire pour un tel support.
Je ne suis pas rassurée et demande à mon mari de nous rejoindre. Il obtient l’autorisation de sa hiérarchie et arrive une semaine après nous avec Qatar Airways, seule compagnie aérienne à continuer d’assurer la liaison Jakarta-Paris durant toute la crise sanitaire.


20 avril 2020 : Le ministre des Affaires étrangères met enfin en place un plan local de soutien médical et sanitaire lié à la crise du Covid-19 en Indonésie, pour faciliter diagnostic, suivi sanitaire et l’accès à certains médicaments, et dans des situations graves, des possibilités d’évacuation sanitaire.
Nous prévoyions de rentrer cet été, mais les écoles étant toujours fermées, nous décidons de rester en France jusqu’en septembre.
Malheureusement, les écoles restent fermées à Jakarta. Nous décidons donc de rester en France pour y scolariser le petit singe.

Notre aventure indonésienne est terminée.
Cela fait un an que nous sommes en France. Les souvenirs du petit singe se sont estompés. Les miens sont mélancoliques.
© Photos : Erica Knecht – That Wild Road Photography
Courage….
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